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Gilet

Ce qui caractérise la Corse durant le Second Conflit mondial, c’est l’isolement croissant d’une île dépendante de ses importations. La guerre aggrave donc une économie déjà fragilisée et dont les structures sont en crise dès les années 1930. A partir de 1939-1940, la raréfaction, puis les interruptions des rotations maritimes font chuter les flux d’approvisionnement. La politique économique mise en place par les autorités pétainistes se révèle inefficace à résoudre le problème du ravitaillement. Le poids humain et économique de l’occupation italienne (1 occupant pour 3 habitants) achève ce sombre tableau. Il résulte rapidement de cette situation la résurgence de pratiques économiques archaïques. Ce gilet témoigne des difficiles conditions de vie des populations civiles insulaires entre 1940 et 1945. Comme partout en Europe, le ravitaillement et les restrictions sévissent non seulement dans le domaine alimentaire, mais aussi dans celui de l’habillement. Complètement coupés de l’extérieur à la mi-1943 et jusqu’à la Libération de l’île, les Corses peinent à se vêtir et c’est dans ce contexte que les vieux métiers à tisser – pourtant abandonnés depuis le début du XXe siècle – reprennent de l’activité. La propagande vichyste locale pousse d’ailleurs à la reprise des activités artisanales « ancestrales » – dont le tissage – au nom du « retour à la terre ». Bel euphémisme camouflant une situation économique catastrophique… L’antique pannu corsu – drap grossier traditionnel brun tissé à partir de poils de brebis qui commençait à être délaissé dès les années 1840 redevient un matériau de substitution qui palie la pénurie de textile. Dans les villages, chandails, chaussettes et bas sont ainsi réalisés à partir d’une production relancée localement ou d’anciennes laies remisées dans les greniers depuis le début du siècle. Peu élégant au regard des canons de la mode de l’époque, ce gilet, confectionné dans le Cap Corse, a l’avantage d’être chaud et robuste. Seuls les boutons dépareillés en aluminium – métal de second ordre et économique très utilisé durant le conflit – trahissent une confection datant de la Seconde Guerre mondiale. Ce vêtement témoigne du dénuement dans lequel les Corses sont plongés à cette période et du sens de l’adaptation – un système D « à l’usu corsu » –, à partir d’un savoir-faire délaissé, dont ils ont su faire preuve, comme d’autres peuples confrontés aux terribles conséquences quotidiennes de ce conflit.

Sylvain GREGORI

 

Gilet

Anonyme

Entre 1940 et 1945

Drap de brebis, métal

67 x 48 cm

Dépôt de l’association Sintinelle

Fonds Biaggi & Gregori
 

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