Dominique Lucchini est né en 1919 à Cargiaca. D’un caractère bien trempé identifiant également tous les membres de sa famille, il se voit surnommé « Ribeddu » (le rebelle). La vie de berger et d’agriculteur en Alta Rocca lasse rapidement le jeune homme. En 1937, il s’engage pour cinq ans dans la Marine et sert en Extrême-Orient. Après l’armistice de juin 1940, il est exclu de la Marine car il refuse de signer une attestation l’obligeant à ne faire partie d’aucune société secrète. Ce geste lui vaut également 52 jours de prison.
Il retourne alors dans son village natal s’occuper de la bergerie et des propriétés agricoles familiales. En janvier 1943, suite à une altercation avec un soldat italien, il s’enfuit mais est contraint de se constituer prisonnier afin que son père, pris en otage, soit libéré. Il restera 38 jours en prison, séjour pendant lequel il aura l’occasion de se lier avec des résistants codétenus. Il s’évade et rejoint le hameau des Martini (commune de Fozzano), où il est accueilli par les résistants Jules Mondoloni et Charlot Giacomini.
Il s’engage dans la Résistance et est actif à Serra di Scopamena, Saint-Lucie-de-Tallano et dans toute la région alentour. Il organise la réception des parachutages au plateau de Sio (nom de code « Fouine »). Le 8 juin 1943, il se rend à Travu, en plaine orientale, pour l’arrivée du sous-marin Casabianca. Il est accompagné de Paulin Colonna d’Istria, Jean Nicoli, André Giusti, Jules Mondoloni, Bébé Arrighi, Dominique Vincetti et Dominique Poli. Surpris par les Italiens, le groupe doit interrompre sa mission nocturne. Ribeddu, avec un meunier de la région, retourne le lendemain sur les lieux où étaient cachées les armes. Ils sont surpris par les Italiens qui les font prisonniers. Au moment de la fouille, Ribeddu fait feu contre les trois soldats qui l’encadrent et s’enfuit. Quelques jours plus tard, Jules Mondoloni tombe les armes à la main. Ribeddu lui succède à la tête de la région qui va du Bas-Taravu et de Petretu-Bicchisà jusqu’à Tallanu. Au maquis, Dominique Lucchini dirige un des rares groupes de résistants qui, au cours de l’été 1943, harcèle l’occupant par des actions armées.
En février 1944, le général de Gaulle, Président du Gouvernement Provisoire de la République, lui attribue la Médaille militaire et la Croix de guerre avec palme, accompagnée de la citation suivante : « Patriote magnifique de vigueur physique, de calme, de courage, d’énergie, dont les exploits surprenants ne se comptent plus, a été durant l’occupation étrangère la terreur des troupes italiennes auxquelles il infligera de lourdes pertes et qu’il ridiculisera en maintes occasions. Est sans doute le plus héroïque et le plus glorieux des patriotes corses de 1943 ».
Après avoir été militant communiste, Ribeddu rejoint les rangs autonomistes et est élu, sous l’étiquette de l’Union du peuple Corse (UPC), conseiller territorial de la première Assemblée de Corse. Il a également été maire d’Aullène.
C’est dans ce village que Dominique Lucchini décède le 10 septembre 2002. Une place de Bastia porte son nom. Le groupe Canta u Populu Corsu lui a dédié une chanson en 1979. Fort de sa personnalité et de son engagement, Dominique Lucchini incarne, dans l’imaginaire insulaire, la figure du résistant corse fondamentalement épris de liberté.
Ariane GIUDICELLI